LE GESTE COMPARATIF : DEPLACEMENTS, POSSIBILITES ET LIMITES DANS LE CHAMP DE L’INTERVENTION SOCIALE

Benjamin Denecheau[1]

Irene Pochetti[2]

Fabiola Miranda-Pérez[3]

Eduardo Canteros Górmaz[4]

Pour citer l’article

Denecheau, B., Pochetti, I., Miranda-Pérez, F. & Canteros, E. (2021). Introduction. Le geste comparatif : deplacements, possibilites et limites dans le champ de l’intervention sociale. Intervención, 11(2), 12-22.

Si la comparaison est maintenant bien installée dans le paysage de la recherche, la dimension et la prise en compte de ses processus et de son élaboration pour le ou la chercheure restent encore trop disparates, ou implicites. Pourtant, il nous semble que les réflexions qui portent sur cette élaboration et sur les aléas de la démarche « en train de se faire » éclairent autant la démarche dans son processus que les objets sur lesquels elle se focalise. Ce numéro[5] est consacré à ce questionnement et aux interrogations ou expériences particulières qu’il soulève dans le cadre d’une recherche comparative. Pour cette discussion, nous reprenons le terme de « geste comparatif » (Robinson, 2016), qui traduit, selon nous, l’idée de la démarche en train de se faire, de la pratique située et singulière du ou de la chercheure. Nous commençons par le situer dans les sciences sociales, pour aborder plus spécifiquement les champs de recherche en éducation et en intervention sociale.

Le geste comparatif dans les sciences sociales

Quelle est la place de la comparaison dans les sciences sociales ? Leur est-elle inhérente ou particulière à certaines démarches ? Va-t-elle de soi ? Discuter la place de la comparaison dans les sciences sociales nécessite de préciser sa nature, qui reste une question vive dans la littérature (De Verdalle, Vigour & Le Bianic, 2012).

Chez les auteurs identifiés comme les « pères fondateurs » de la sociologie, la comparaison a été soit assumée et revendiquée en tant que telle comme étant au cœur des sciences sociales, soit utilisée de façon plus ou moins explicitée comme ressort heuristique. Emile Durkheim, par exemple, situe la sociologie comme une science comparée (Durkheim, 1895) ; la comparaison est selon lui constitutive de toute démarche sociologique. Sans être aussi clairement revendiquée, la comparaison a été un fondement d’autres travaux qui ont posé les bases de la discipline. C’est bien par le détour en Amérique et par son expérience de la démocratie dans cette société qu’Alexis de Tocqueville réfléchit à la chute de l’ancien régime en France. Max Weber de son côté compare plusieurs formes du capitalisme dans le temps ; tout comme Mauss théorise « le don et le contre don » à partir de l’étude de plusieurs communautés. Ces auteurs ont ainsi, par leur pratique, fait de la comparaison une pratique fondatrice de la discipline.

À leur suite, plusieurs auteurs contemporains continuent de placer l’acte comparatif au cœur des sciences sociales. Howard Becker souligne la comparaison comme une opération cognitive qu’on pourrait définir de transversale, qui permet d’ordonner des « fragments » susceptibles de produire des représentations de la société (Becker, 2009). Il rappelle que c’est à partir de la comparaison que les chiffres prennent du sens et que les tableaux statistiques produisent une description qui permet d’appuyer la démonstration d’une idée. Tout comme dans la célèbre série de Walker Evans, American Photographes, qui interroge les spécificités du peuple américain, c’est bien dans la comparaison avec celle qui la précède et celle qui la suit que chaque image de la série de photographies prend sens et contribue à l’idée générale de l’ouvrage (Becker, 2009). Ici l’opération de comparaison s’opère selon lui à deux niveaux : lors de la production de l’ouvrage, mais aussi lors de la réception qui implique un travail interprétatif.

L'anthropologie est une autre discipline des sciences sociales qui, depuis ses origines, s'est fondée sur un regard comparatif. Dans son cours au Collège de France dédié à la comparaison, l’anthropologue Philippe Descola (2019) met en évidence, à partir d’une relecture de sa pratique d’anthropologue et de la littérature de la discipline, comment les démarches ethnographique et ethnologique « sont tissées en permanence de comparatisme ». Ces façons d’exercer la comparaison ne sont pas toujours revendiquées, perçues, et assumées comme telles par les anthropologues, qui l’exerceraient presque de façon spontanée tant cela est intrinsèque à la discipline et à ses origines.

Cette comparaison implicite se décline selon lui en trois « mouvements » différents. Le premier concerne la comparaison des pratiques sociales de la culture observée avec celles de la culture de l’observateur. C’est en effet dans ce déplacement que se construit selon lui la spécificité du regard ethnographique. Le deuxième est la comparaison des situations observées et décrites par l’ethnographe avec les corpus théoriques existants. Afin de produire une interprétation de la société étudiée, l’ethnographe compare et met en lien ce qu’il observe avec le reste de la production scientifique (dans le temps et dans l’espace). Le dernier mouvement est celui, implicite, de la sélection. L’ethnographe choisi parmi toutes les scènes observées les plus emblématiques. C’est donc dans la mise en forme des résultats des données que la comparaison s’opère.

Comparer depuis la différence, regarder ailleurs

Mais la comparaison peut consister aussi en une démarche se revendiquant comme spécifique et particulière qui serait à distinguer et à appréhender dans cette particularité. Lorsque la comparaison est choisie et assumée comme démarche spécifique d’une recherche, cela peut être justifié pour sa capacité à être un « opérateur de connaissance » (Vigour, 2005) qui permet l’observation et l’analyse avec un angle original et inédit. La comparaison internationale par exemple peut demander à travailler la compréhension des contextes et dynamiques sociales qui fabriquent les publics, les populations, les pratiques, les professions, les politiques d’intervention sociale dans différents pays (Crossley & Watson, 2003; Hantrais, 2009).

La démarche comparative menée à l’échelle internationale peut nécessiter de clarifier les comparateurs (Hantrais, 2009) ou unités de comparaison (Bray, Adamson & Mason, 2010) sur lesquels elles portent. La comparaison peut être située entre deux ou plusieurs pays et porte autant sur l’objet étudié que sur les différents espaces et contextes (sociaux, politiques, géographiques) et contribue donc à mieux comprendre l’ensemble de ces éléments (Crossley & Watson, 2003; Dogan & Kazancigil, 1994). Les différences de ces espaces et contextes, s'ils semblent au premier regard limiter le potentiel heuristique de la démarche, y contribuent finalement par la réflexion sur les limites, leurs différences et leurs similarités, ces analyses faisant pleinement partie de la comparaison (Detienne, 2000).

Toutefois, la place du ou de la chercheure est rarement évoquée dans ces approches quantitatives, et encore moins la démarche en train de se faire. Pourtant, Cécile Vigour établit que la comparaison revendiquée comme étant « internationale » requière une démarche de recherche qui doit inclure l’approche comparative à chacune de ses étapes, et que cette démarche affecte la posture du ou de la chercheure qui doit déployer une stratégie de recherche pour « tenir » la comparaison à chacun de ses moments (Vigour, 2005).

La démarche de comparaison est différemment accompagnée d’une réflexion sur le geste et l’effet de la démarche. Par exemple, une part importante des recherches internationales comparées en éducation sont portées par des démarches quantitatives qui visent à contribuer à l’explication et aux prédictions des phénomènes éducatifs. Pour ce faire, Fairbrother identifie l’idée dominante d’un chercheur « détaché » par un contact avec les sujets de sa recherche limité ou absent (Fairbrother, 2010). Si, comme l’auteur le précise, le chercheur vise à éviter tout contact avec les sujets, les perceptions de ce que la recherche « fait », au moment de son déroulement, sont plus difficiles à recueillir. Par ailleurs, l’idée d’un chercheur « détaché » ne favorise pas l’attention ni la réflexion sur le geste comparatif et ses effets. C’est ce que rend compte Xavier Pons dans une expérience de rencontres dans un pays étranger, au cours d’une recherche comparative sur les configurations d’action publique à l’œuvre dans les processus d’évaluation externe des établissements scolaires dans quatre pays européens (Pons, 2017). Rompu aux démarches de comparaison internationale par des études du déploiement des politiques éducatives à partir de ce qui « fait problème », l’auteur ne découvre une dimension plus fine des dimensions culturelles seulement lorsqu’il se déplace dans un autre pays, et a accès à des expériences et des perceptions plus aiguisées au moyen d’une courte immersion. Il réaffirme l’intérêt d’une triangulation des méthodes, l’enquête de terrain permettant d’affiner et de compléter une comparaison quantitative.

Ainsi, si la comparaison internationale est considérée comme une démarche particulière destinée à déplacer davantage le regard du chercheur (Sartori, 1994; Vigour, 2005), le déplacement physique n’est pas systématique, il n’accompagne pas toujours les enquêtes quantitatives comparatives. Plusieurs chercheurs notent l’absence chronique de déplacement physique du ou de la chercheure, ou de réflexion sur ce déplacement nécessaire ou opéré lors de ces enquêtes : il n’y a alors pas de réflexion sur le regard ethnocentré que des analyses hors-sol ou éloignées peuvent générer (Pons, 2017; Potts, 2010). Pourtant l’observation dans un contexte qui nous est étranger ne va pas de soi et la réflexion sur les éléments subjectifs de l’expérience sociale d’enquête permet d’accompagner le processus d’objectivation, tel qu’il est plus ordinairement travaillé par les anthropologues.

Comme l’affirme Jan Spurk, « en dépit [d’un] rapport jamais innocent avec l’étranger, c’est le chercheur qui constitue son objet par le regard qu’il porte sur ce dernier » (Spurk, 2003:74). Cette considération semble plus visible, peut-être plus travaillée, dans les démarches qualitatives, sans qu’elle soit systématique. Carine Vassy revient par exemple sur ses intentions de recherche et sur son exploration dans un terrain hospitalier, tout en menant un travail de traduction des termes qui dépend de la façon dont la chercheure appréhende son objet (Vassy, 2003). Nous pouvons citer également Benjamin Moignard qui revient sur l’ouverture de son terrain dans des zones fortement précarisées et peu accessibles aux personnes qui lui sont extérieures. Ses entrées différentes en France et au Brésil, et les techniques, les stratégies, mais aussi les tâtonnements qu’il utilise disent autant de son rapport au terrain (remobilisé lors de l’analyse), que des configurations qu’il observe (Moignard, 2008). Les recherches comparatives à l’international, qui incluent au moins un terrain de recherche avec lequel le ou la chercheure à un rapport distant, voire étranger, mettent en lumière peut-être plus explicitement les questions que pose ce rapport et la façon dont il contraint l’observation et le recueil des données. C’est du moins par la prise en compte de l’ethnocentrisme, de ses biais et des limites qui peuvent réduire ses effets dans l’élaboration des connaissances, que cette question a pu émerger et est appréhendée par les chercheurs (Thành Khôi, 1981). La dimension internationale de la comparaison associée à une immersion de type ethnographique peut ainsi pousser de manière plus franche à une mise à distance de l’ethnocentrisme et des implicites nationaux (Giraud, 2012).

Les limites de la comparaison : un regard toujours réflexif sur l’enquête

Plus particulièrement, cette question de la posture du chercheur et du rapport à l’objet (son territoire, sa population) est une constante en ethnographie. Suite à des débats importants qui ont eu lieu dans les années 1960-70 aux États unis et dans les années 1980 en France, la discipline a été bousculée dans ses fondements et a traversé une « crise de la représentation ethnographique » (Marcus & Ficher, 1986) amenant de profondes transformations épistémologiques et méthodologiques (Nash & Wintrob, 1972). Une importante réflexion sur les rapports de pouvoirs intrinsèques à la façon d’appréhender l’altérité dans l’anthropologie « classique » et sur le rôle joué par les anthropologues dans les entreprises coloniales a révolutionné la discipline (Bolondet & Lantin Mallet, 2017). Cette prise de conscience des formes de pouvoir, des biais du regard et des représentations a amené la discipline à engager un effort d'explicitation de la relation ethnographique, en inscrivant l'enquêteur au cœur de l'analyse, pour utiliser les tensions, les écarts de sens, les incompréhensions pour leur potentiel heuristique. Si la notion de réflexivité peut désigner des pratiques assez hétérogènes, elle est désormais considérée comme fondamentale dans les sciences sociales, et en anthropologie particulièrement (Bolondet & Lantin Mallet, 2017). De plus en plus de travaux ont une attention particulière aux conditions de réalisation de l’enquête. On pense ici à l’ouvrage « Les politiques de l’enquête » dirigé par Alban Bensa et Didier Fassin (2008), mais aussi aux travaux de Michel Napels (1998), ou Nancy Scheper Hugues (1993).

Alors que les anthropologues aujourd’hui adoptent de plus en plus ce positionnement réflexif, décrivant au plus près leur démarche, la comparaison afférente à la discipline n’est pas souvent nommée ni pensée de façon explicite. De l’autre côté, les spécialistes des études comparatives qui revendiquent cette approche reviennent peu sur la démarche impliquée ; le rapport du ou des chercheurs à l’objet et les conditions de la comparaison restent souvent des impensés.

Ce numéro vise à faire le pont entre les deux, entre une approche explicitement revendiquée comme comparative, et celle qui revient sur la démarche de comparaison « en train de se faire ». Qu’implique, qu’engage, et quel effet peut avoir le geste comparatif pour celle ou celui qui l’expérimente et l’éprouve, en particulier dans les champs de recherche en éducation et en intervention sociale ?

Penser la comparaison à partir de l’intervention et des politiques

Parler de comparaison, en particulier dans la réflexion sur l'intervention sociale, implique d'analyser la manière dont nous concevons l'autre, l'altérité. En termes de procédure, l'intervention peut être comprise comme une séquence de changements programmés et opérés sur les autres, pour tenter de modifier la situation et les conditions qu'ils auraient en l'absence de l’intervention. L'idée d'intervention va de pair avec l'idée d'amélioration, de promotion, de progrès – qui peuvent se retrouver sous la notion de transformation sociale - et à partir de là, il faut toujours considérer l'avertissement lancé par Reinhart Koselleck (2012), lorsqu'il affirme que l'idée moderne de progrès, prétendue universelle, n'expliquerait qu'une des expériences possibles, cachant d'autres formes d'expérience. L'intervention consiste alors à projeter des actions sur les autres pour qu'elles avancent vers l'un des futurs possibles, sous certaines conditions d'amélioration.

Alfredo Carballeda dans son texte L'intervention dans le social (2012) développe cette idée. L'intervention implique une série de processus qui contiennent implicitement l'idée de cet autre, mais aussi de son amélioration, de son ascension, de son maintien et de son déclin. Il attire l'attention sur le besoin de voir le processus d'intervention dans une perspective réflexive, où cet autre est rendu visible, révélant les structures implicites de l'intervention, mais essayant également de voir cet autre comme un sujet historique et en connexion constante avec sa culture. Rivera Cusicanqui (2018) révèle l'hétérogénéité de cet autre et de sa capacité d’agir lorsqu'il affirme qu'il est constitué de beaucoup de fragments, historiquement construit à partir de logiques clientélistes, mais aussi en constante capacité à relever des défis historiques. L'autre, ou le peuple dans la voix de l'auteur, s'exprime dans la « diversité de la différence ». Quant à l’intervention, Gianinna Muñoz (2015) affirme clairement qu’elle est « imprégnée d'idéologie » et nécessite un examen critique pour révéler ses structures implicites. Ainsi, la démarche de comparaison implique et interroge un idéal de cet autre, ainsi que de la situation de laquelle il doit sortir et vers laquelle il doit transiter, ce qui permet d’éclairer autant cet autre que l’intervention qui vise à transformer sa situation.

Dans ces logiques, l'intervention sociale a été encadrée par la planification des États dans des contextes distincts. Les différents programmes d'intervention circulent, certains peuvent être pris en exemple et être reproduits dans différents contextes et peuvent être considérés comme une contribution nécessaire aux politiques dans divers domaines. Cette pratique d’observer ce qui est fait ailleurs et de le mettre en œuvre, avec plus ou moins d’adaptation, rend compte des démarches politiques utilisées. Actuellement la question n'est pas de savoir s’il faut comparer, ou si on peut comparer, mais plutôt de réfléchir à comment on peut comparer, sans laisser de côté la réflexivité sur les structures implicites de la comparaison (Hassenteufel, 2005).

Ces dernières décennies, les politiques sociales ont majoritairement intégré cette pratique afin de découvrir et de recueillir différents scénarios et méthodes. Si nous prenons l’exemple du bien-être, ces méthodes ont permis de développer des cadres qui ont permis d’interroger les similitudes et les différences, à la fois du concept et de la façon dont il avait été retraduit nationalement (Martínez-Franzoni, 2008). De cette façon, il a été possible de constater que les simples applications de modèles d’intervention ne sont pas possibles, conduisant alors à un travail nécessaire d'interprétation interdisciplinaire qui a impliqué la re-traduction des notions classiques de bien-être adaptées non seulement à notre époque, mais aussi aux différents territoires où il est étudié. Partant de ces constats et ces questions, mais aussi dans une perspective critique qui consiste à se pencher sur les pratiques d'intervention sociale et d'assistance sociale (Rojas, 2019), ce numéro thématique cherche à souligner les transformations méthodologiques que les auteurs et auteures ont subies pour analyser leur problématique. Il ambitionne de donner à voir comment s'opérationnalise la territorialisation des pratiques d'intervention et comment les auteurs parviennent à les interpréter méthodologiquement avec leurs différentes manières de s'interroger sur leurs lectures.

En ouverture du numéro, Maryan Lemoine rend compte d’une démarche comparative en élaboration. Il s’agit d’une démarche croisée, entre une étudiante qui va enquêter dans son pays et qui va devoir s’extraire d’une familiarité, et l’enseignant-chercheur qui se trouve étranger dans ce contexte, mais familier des établissements composant le terrain d’enquête. Il explore et questionne le rapport du chercheur au terrain, identifie ce qui le rend familier et constituant potentiellement des « œillères » pour l’observation. Il revient sur l’identification progressive des impensés qui lève des voiles sur les objets enquêtés et leurs contextes particuliers.

Julie Pinsolle, Sylvain Bordiec et Margaux Aillères, quant à eux, reviennent sur une démarche de comparaison par monographies comparées. Si la démarche n’allait pas de soi pour l’analyse de la mise en œuvre d’une politique publique en éducation en France, elle s’est avérée utile pour atteindre un niveau qualitatif permettant d’analyser les aspérités de la mise en œuvre locale, tout en analysant ce qui est de l’ordre du particulier, et de l’ordre du commun avec d’autres lieux de mise en œuvre.

De leur côté, Julieta Gaztañaga et Adrián Koberwein réfléchissent dans leur article sur la portée et les limites de la comparaison en anthropologie sociale et culturelle, et comment elle se constitue comme un projet anthropologique par excellence, revenant au moment de la constitution de l'anthropologie comme discipline, dans le contexte de la discussion avec d'autres sciences sociales (histoire, sociologie, science politique), concluant que la comparaison approfondit la compréhension du monde, puisqu'elle apporte un contexte à la construction de l'autre.

Enfin, Paulina Vergara s'interroge sur le fonctionnement des catastrophes socio-naturelles avec la société, notamment avec la responsabilité qui incombe à l'État. À travers un exercice ethnographique et sociohistorique, l'auteure analyse l'action publique du point de vue de celles et ceux qui ont subi les dégâts des catastrophes, traversant et reconstituant comparativement (entre 1939 et 2010) différents événements historiques et leurs réponses étatiques respectives.

De cette façon, le présent numéro thématique, dans un effort de conversation entre différents scénarios nationaux, constitue une approche interdisciplinaire pour exposer des réflexions méthodologiques, des expériences de recherche situées et des comparaisons internationales pour pouvoir situer l'anthropologie depuis le travail social et observer ce que nous offrent différents cadres d'interprétation à partir de l’étude des politiques publiques pour aborder le geste comparatif. L'un des objectifs de ce numéro a été de traiter du rapport des chercheurs à leur domaine, en découvrant leurs processus réflexifs et en s'interrogeant sur la manière dont, à partir des différents terrains présentés ici, ils ont mis en œuvre diverses comparaisons pour comprendre des phénomènes sociaux multi-situés, à la fois sur le plan spatial et historique. En définitive, ce numéro est une invitation à explorer différents phénomènes et questions d'un point de vue holistique, afin d'ouvrir la voie à une exploration plus poussée de la méthodologie comparative et de ses possibilités pour comprendre l'intervention sociale, les politiques sociales et éducatives, ainsi que les phénomènes qui ont pour cœur l'analyse des transformations sociétales.

Bibliographie

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[1] Benjamin Denecheau, Docteur en Sciences de l’éducation, Enseignant-chercheur au LIRTES, Univ Paris-Est Créteil, IUT Sénart Fontainebleau, benjamin.denecheau@u-pec.fr

[2] Irene Pochetti, Docteure en Sociologie, Enseignante-chercheure au LIRTES, Univ Paris-Est Créteil, IUT Sénart Fontainebleau, irene.pochetti@u-pec.fr

[3] Fabiola Miranda-Pérez, Docteure en Science Politique, Enseignante-chercheure Departement du Travail Social, Rédactrice en chef de la Revue Intervención, fmiranda@uahurtado.cl; fabiola.mirandaperez@iepg.fr

[4] Eduardo Canteros Górmaz, Docteur en Architecture et Etudes urbaines, Enseignant-chercheur, Departement du Travail Social, ecantero@uahurtado.cl

[5] Cette publication a reçu le soutien des institutions suivantes : l’Université Alberto Hurtado et son Département de Travail social, l’IUT de Sénart Fontainebleau, le LIRTES (Univ. Paris-Est Créteil) et l’OUIEP, nous les remercions pour avoir rendu ce projet possible.